Alors. D’abord on peut débriefer le titre. Je… euh… je peux me cacher derrière une hypothétique démarche artistique par exemple. Ça dirait comme ça que d’abord c’est un hommage à Raymond Aron. Ah. Quand tu mets Raymond Aron dans une phrase tout de suite hein ça fait moins les malins. En vrai je suis dans le Fernand Braudel Crew mais bon. L’opportunisme c’est bien pratique. Et c’est pas incompatible en plus.
Bon bah voilà, un bon debrief, on a bien avancé. On peut faire une pause smoothie.Et puis mettre des images histoire de dissiper le malaise lié à cette introduction.

Nomeny on a dit. Pour moi Nomeny ça a longtemps été un nom sur un panneau. Quand j’étais mioche, j’allais avec mon grand-père souvent dans sa cahute à Sivry, en partant de Nancy. Et sur la route, tu vois le panneau Nomeny. Je sais pas pourquoi ce nom retenait mon attention. Je ne peux pas t’expliquer, mais Nomeny, ça sonnait mieux que Jeandelaincourt ou Ajoncourt tu vois. Ajoncourt. Qui veut vraiment aller à Ajoncourt? Si on est honnête deux minutes. Alors que Nomeny, ah… tu tournes le nom dans ta tête et déjà y’a des jeux de mot qui apparaissent. Et un peu plus distingués qu’avec Ajoncourt. Ça fait son chemin et pouf, Nomeny se positionne en outsider dans ton paysage mental. Ni une, voire ni deux. Nomeny une ni deux.
Ah mince. Le malaise. Vite, une photo.

Nomeny tu vois c’est une architecture assez particulière. Pourquoi? La première fois que j’ai été à Nomeny, je le savais déjà car grâce à l’instruction, j’avais appris que Nomeny avait été victime d’une Première Guerre Mondiale en goguette et ça c’est vraiment pas de chance. Et cette Première Guerre Mondiale, on va l’appeler Yvette pour simplifier, elle a eu l’indélicatesse de s’acharner un peu. Yvette, par le truchement d’officiers allemands un peu fébriles, a provoqué fin août 1914 l’incendie de la localité, le déplacement et la fusillade de certains habitants.
La blague d’Yvette trouve ici ses limites, parce que voilà ce que fait la guerre. Elle massacre des gens. Assez simplement. Juste, faut le dire. Comme à Gerbéviller. Comme à Mỹ Lai. Comme à Bouchta. Comme dans ces milliers de patelins sur lesquels elle s’est abattue. C’est pas pour faire ma miss France, mais la guerre, hein… Va bien manger tes grands morts, Edouard Detaille… la guerre c’est pas le rêve (même si esthétiquement il est badass ton tableau, j’avoue).

Donc oui. Nomeny a une architecture de la Première Reconstruction, qui dans la région est à mon avis extrêmement charmante. On la voit ici, mais on la voit aussi massivement en Meuse avec de bien belles choses. On lira à ce sujet avec avantage l’ouvrage collectif suivant: Les reconstructions des années 1920 et 1950 en Lorraine: un renouveau architectural et urbain, édité avec le soutien vénérable de la Gazette Lorraine. J’ai pas d’autres références, c’est mon côté baltringue.

J’aime bien les formats portraits, ils apparaissent en tout grand et tout, c’est trop bien. le jour où j’ai été faire ces photos, qui sont plus que moyennes, je faisais un passage rapide à Nomeny. Je sortais d’une journée éprouvante et j’avais envie de fuir un coup, vite fait, tranquille. Je savais pas trop où aller alors j’ai été à Nomeny. Pas à Ajoncourt.

Ça m’a fait du bien. C’est joli Nomeny. Plus pentu que je ne l’aurais pensé. J’ai adoré cette architecture évoquée ci-dessus. Elle a, surtout à Nomeny, quelque chose de désuet et c’est sympathique. Comme si déjà, dans les années 20, cette incarnation de la IIIe République en faisait beaucoup trop. Comme si l’idéal, quoiqu’il vaille, fanait déjà. Quand un régime se met trop en scène, tout tendu comme une crampe, c’est le début de la fin, je me dis souvent. C’est ce que je retrouve ici. Cette vision joliment provinciale, cette ambiance si parfaitement républicaine, on se croirait dans un tour de France fait par deux enfants, au hasard. Et le fossoyeur de tout ça, qui pourtant en utilisa bien des motifs, n’était qu’à deux décennies de fonder l’éphémère régime de Vichy. Ça sentait déjà fort le sapin.
é sa fé réfléchire, comme dit le Philosophe sur Cnews.
Bon euh… allez encore une petite photo et moi j’y vais, j’ai des trucs à faire comme rien faire par exemple.
La prochaine fois on va où?
Bah moi je trouve risqué de poser la question comme ça, vu comme l’auteur de ces lignes peut parfois confondre espièglerie et vulgarité…
