[Photos du 24 avril 2008 | Sony Alpha 100 | rédigé en écoutant Guns N’ Roses, «Paradise City»]
Bezonvaux, c’est un village niché dans un petit vallon au nord-est de Verdun, en Meuse. Il est curieux, le village de Bezonvaux, parce qu’il n’a pas de maisons. Il n’en a plus. Bezonvaux, c’est fini, et dire que c’était le village de mon premier amour, a-t-on envie de chanter. Mais c’est pas très drôle. On pourrait se dire que c’est à cause que, il y a longtemps, une Première Guerre Mondiale lui a réglé définitivement son compte, à tel point qu’on ne l’a pas reconstruit après le conflit tellement le sol était et est toujours saturé de merde guerrière. Encore aujourd’hui, l’herbe coupée rase montre les cratères d’obus qui se chevauchent de partout.
On pourrait se dire que c’était il y a longtemps, qu’on a bien vu que raser des villes et des villages et se foutre sur la gueule c’est une drôle de stratégie de survie de l’espèce. On pourrait se dire que maintenant on se consacre à trouver une place pour tout le monde, à être raisonnables, rationnels quand c’est grave et complètement fous quand c’est léger, ou l’inverse je sais jamais. On pourrait penser vu le désastre qu’on s’est dit qu’on allait faire des orchestres symphoniques plutôt que des missiles et que fabriquer du gorgonzola ça vaut tous les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins du monde. Que la grandeur, c’est un truc un peu con, mais qui à la rigueur pourrait être un projet commun à l’humanité. Et pas le projet de quelques abrutis régnant sur un bout de terrain déterminé par des traits imaginaires qui disent où c’est que ça commence chez eux et où c’est que ça s’arrête. Et qui bougeraient bien deux trois bornes de quelques mètres, comme un agriculteur mesquin.
Mais si on en croit que qu’on lit, ce qu’on voit, ce qu’on entend ces jours-ci, mais après tout sans discontinuer depuis 1918, on dirait qu’on ne sait pas être autre chose qu’une bande de teubés complètement éclatés et qui croient aux traits imaginaires et à «l’ennemi», ce truc qui n’a aucun sens.
Ça serait bien de ne pas oublier les Bezonvaux. Et de ne pas fermer les yeux ou croire que les Bezonvaux d’aujourd’hui sont loin de nous. Ils sont sur la même planète, et c’est quand même super tout près. Et ceux qui y sont morts sont comme nous. Et ceux qui les ont tués sont comme nous. La même espèce. L’espèce de connards ouais. Bon.
C’est dommage, parce que y’a tellement d’humains super chouettes partout. Mais bon. Si tu leur tire des traits imaginaires sur des cartes et que tu les fous en groupe dans la zone tracée en leur faisant croire qu’elle est trop cool la zone et qu’elle est à eux, bah je sais pas pourquoi, c’est comme quand tu leur mets un volant entre les mains, ou une quelconque once de pouvoir imaginaire, bam! ils deviennent super cons, les humains. Y’en a même ils deviennent hyper puissants alors qu’en vrai ils font caca de travers et ça leur fait mal le cul, ils se bavent dessus quand ils somnolent, ils ont du miel dans les oreilles. Tout présidents de ci ou généraux de ça qu’ils soient. Leur pouvoir c’est du vent, si personne ne leur donne d’importance. Si personne ne croit aux chefs, aux hiérarchies, aux autorités. Les bons maîtres, tu sais c’est juste des gens. Les gens. C’est vraiment du gâchis, moi j’aime bien les gens. Le problème, pour citer Brice l’idiot du village, c’est que les gens «quand il y en a un ça va, c’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes».
Et après, on se retrouve avec des petits villages comme Bezonvaux, nichés dans un vallon.
Sans maisons.
Sans habitants.
Morts.





