[Fuji X100T/photos brutes]
Ça faisait bien pour le titre. Rendre Gorze. Genre: «Charles, baltringue de mes deux, je vais te faire rendre gorge, espèce de bouffeur de moutarde de merde» (René II ivre mort, au comptoir du «Duc Till», taverne suisse tenue par un mec de Blénod-lès-Pont-à-Mousson)(tu suis?)(oui je sais c’est un peu Cavallier)(ahah je m’amuse bien). Bref, rendre gorge, rendre Gorze. Tu l’as? Ça aurait été mieux si le Téméraire aka Mr T. avait tenu Gorze et que la bataille de Nancy fût la bataille de Gorze. La blague aurait été encore plus cool. Si tant est qu’elle le soit. Notez aussi que la citation de René II est power apocryphe. Pour si y’a un doute.
BON OH HÉ. REVENONS AU SUJET. GORZE. On n’est pas sur Sud Radio ici, on a de la rigueur et on sait de quoi on parle. Bon dieu.

L’autre jour donc j’étais avec des gens pas mal chouettes et on a été à Gorze. Pourquoi? Parce qu’on a déjà été au Rudemont ou aux carrières de Lorry, par exemple, donc bon. Faut varier dans la vie quand tu veux te cantonner à la vallée de la Moselle entre Pont-à-Mousson et Metz.

Gorze j’y avais déjà été, mais sans m’attarder, vite fait, un peu comme quand j’avais été à Longwy y’a quelques billets. Là, on avait guetté une balade qui faisait le tour de la bourgade par les hauteurs. Parce que Gorze est au fond du fond du vallon de la Gorzia, affluent de la Moselle, et ainsi ceinturée de hauteurs forestières très présentes dans le paysage. Gorze, assiégée de végétation.

Cette histoire de siège me ramène au siège de Nancy. Selon les sources, souvent pas fiables, quand le Téméraire a mis le siège devant la capitale ducale, il aurait envoyé une missive à René II pour que ce dernier fasse rendre la ville. Missive à laquelle René II aurait répondu: «Quoicoubeh!». Le Téméraire, de presque vingt ans l’aîné de René, à vrai dire un vrai gros boomer, en serait resté coi. Coicoubeh. Ahah. Pardon. En passant, si quoicoubeh avait existé au XVIIe, je pense que Charles IV, le premier des punks, en aurait abusé auprès de ses divers interlocuteurs. Bon, bref. GORZE.

Gorze, c’est beaucoup de vieilles pierres. C’est un peu idiot d’ailleurs cette expression, vieille pierre. Mais Gorze c’est ça. Comme un petit Toul, avec du patrimoine fameux ou modeste dans tous les coins, un peu à l’abandon, un peu entretenu. C’est ce qui fait que j’aime ces villes, elles sont un peu floues. Toul a fait de gros efforts de mise en valeur, et c’est sûrement une bonne chose, mais elle est devenue aussi moins floue. Bon. C’est comme ça. J’aime bien quand on ne sait pas trop où on met les pieds. Quand les institutions touristiques s’en mêlent, on sait TOUJOURS où on met les pieds. Le confort du visiteur avant tout. Les surprises deviennent un programme de visite.

Gorze est spéciale aussi car elle est écrasée par l’hôpital. Comme un mur qui dit que la ville s’arrête. Oui, là. On est devant le palais abbatial, on passe son porche poussiéreux et l’hôpital s’interpose alors. Décalé. Différent. La fête est finie. Au-delà sont les limbes. En vrai des routes escaladent le vallon et on peut remonter sur le plateau. Gorze, malgré les efforts de mon imagination, ce n’est pas le bord du monde. M’enfin il doit quand même pas être bien loin.


Gorze est un coin étrange. C’est mal foutu. Ou bizarrement. Et c’est chouette. C’est un village pensé comme une petite ville, une petite ville inquiète. Tout autour d’elle, les statues, les chapelles, les croix sont comme une barrière spirituelle hétéroclite. C’est quoi le problème? Il faut dire que j’ai été préparé en amont.

Je me suis pas encore douché, mais je vais mettre les pieds dans le plat. Je ne suis pas croyant, et on ne m’a jamais convaincu à propos du paranormal, des esprits, des hantises, des courants telluriques et tout le bordel. C’est pas que je sois réfractaire, mais on ne m’a jamais montré quoique ce soit de probant. Et même je suis sensible au sujet, mais lucide, aussi. Bref, j’avais été préparé parce que des récits de trucs étranges à Gorze, comme si c’était la Bouche de l’Enfer à l’instar de Sunnydale, j’en ai entendu des pelletées, aussi bien du côté catho que du côté païen, pour faire simple. Souvent les deux en même temps et c’est d’ailleurs intéressant. J’ai entendu des récits passionnants racontés par des gens convaincus de leurs expériences, et malgré mon scepticisme assumé je n’ai aucun jugement à porter. J’ai aussi constaté des pitreries sordides sur Youtube, avec un déballage de gadgets tous plus nuls les uns que les autres. Quand tu mates ces vidéos, d’ailleurs, t’as envie:
- Que si jamais les fantômes (pour résumer) existent, on leur foute un peu la paix. Grosse pensée à Barbara et Adam, et à leur copine mortelle Lydia, hein.
- Que si jamais les fantômes (pour résumer) existent, ils n’hésitent pas à coller des grosses mandales de gitan aux fâcheux sus-cités: chers esprits, arrêtez de vous laisser emmerder par des chasseurs (le bel atavisme) de fantômes en blouson Quechua, merde à la fin.
Y’a une dame qui faisait son jardin qui nous a raconté ce jour-là d’autres histoires encore, les siennes, celles de ses connaissances, celles même racontées par les notables. Cette fois tout ça était teinté de christianisme gentiment dévoyé. Comme ça, entre la causerie sur les plantes de son jardin et le temps qu’il fait. Comme des évidences, c’est comme ça et c’est tout. Toute cette ambiance pèse sur le vallon, sur mon imagination aussi. J’aime être ici, je ne crois pas un mot de tout ça et j’ai envie d’y croire pourtant, et c’est ce qui fait que mon cerveau s’emballe et fabrique des histoires et c’est très bien comme ça.



Les deux autres endroits en Lorraine où on m’a raconté beaucoup de trucs dans le genre, c’est Montmédy et le pays de Bitche. Bien sûr il y a plein d’histoires isolées un peu partout, mais je parle de concentration et de récurrence des récits, dans mon expérience personnelle. Mais… mais tu sais quoi? Je guette l’heure et je me dis que ce billet va se faire en plusieurs parties. Hein? T’en dis quoi? Rien je suppose. Allez, on fait comme ça.
